- SUFFRAGETTES
- SUFFRAGETTESSUFFRAGETTESLe terme de suffragettes apparaît en 1903 en Grande-Bretagne pour désigner les militantes d’un mouvement nouveau, l’Union politique et sociale des femmes, fondée à Manchester par Emmeline Pankhurst. Il ne fait pas nécessairement double emploi avec celui, jusqu’alors courant, de «suffragistes», dans la mesure où il est employé pour symboliser un changement de stratégie: dans la revendication féministe, au lieu de se contenter de la persuasion pacifique, le mouvement entend recourir à la violence pour obtenir l’égalité politique des deux sexes et en particulier le droit de suffrage et l’éligibilité aux Communes. Les pacifistes, menées par Millicent Fawcett, sont rassemblées dans l’Union nationale des sociétés pour le vote de la femme, dont les racines les plus anciennes plongent jusqu’en 1867. Des recherches menées dans les années 1980 ont mis en lumière la diversité des efforts de réflexion et la combativité de cette société, souvent jugée trop modérée pour être efficace: elle a en fait connu une tendance active qui a cherché à associer le combat social et le combat politique, à convaincre syndicats et mouvement travailliste en plein essor de coopérer à une démarche égalitaire n’excluant pas d’autres aspects de la sujétion des femmes, en matière d’emploi et de salaires; cette aile «radicale» devient même, dans les années 1920 et 1930, le noyau d’un «néo-féminisme» dont les combats concernent autant le droit à la «propriété de son corps», à la régulation des naissances, voire à l’avortement, que le perfectionnement de l’égalité civique proprement dite. Mais on a alors changé d’époque et le terme de «suffragettes» a épuisé son contenu. Il importe de restreindre son emploi aux premières décennies du XXe siècle, jusqu’à la réforme électorale de juillet 1918 ou à la loi de 1928.Au cours de ces années, la cause de l’émancipation des femmes repose sur la vision des concessions démocratiques consenties aux hommes en 1867 et en 1884-1885. Elle s’appuie sur les écrits théoriques d’un John Stuart Mill dont les deux ouvrages, Considerations on Representative Government (Le Gouvernement représentatif ) et Subjection of Women (La Sujétion des femmes ), en 1867 et 1869, ont, bien après la mort de leur auteur en 1873, alimenté la propagande suffragiste. Elle bénéficie du paradoxal octroi aux femmes du droit de voter dans les comités de l’Assistance publique (1834), les municipalités (1869), les conseils de comté (1888) et d’être éligibles aux conseils de district et de paroisse (1894), ce qui pose un problème de cohérence. Elle tire argument de l’exemple donné par la Nouvelle-Zélande (1893) et le Commonwealth australien (1902). Quatre motions présentées aux Communes de 1873 à 1906 en sa faveur y avaient obtenu une majorité. Le retard d’une réforme aussi constamment sollicitée tient à l’attitude de femmes fort éminentes qui, telle Béatrice Potter-Webb elle-même, ont, en 1889, souligné l’inutilité, voire la nocivité d’un changement, et dont certaines, derrière Mrs. Humphrey Ward, ont fondé la Ligue anti-suffragiste; il est aussi le résultat de préjugés plus ou moins avoués, de l’inachèvement de la démocratisation en faveur des hommes, de la priorité accordée par bien des progressistes aux réformes sociales, de la répugnance des cabinets successifs à s’engager, même dans le cas du ministère radical d’Asquith, à partir de 1908. De plus, en 1908 et 1912, les plus résolus partisans des suffragettes ont renâclé à voter des lois de «compromis» (conciliation ) qui n’auraient accordé le suffrage qu’à des propriétaires ou des femmes indépendantes et auraient ainsi créé une insupportable discrimination sociale.La tension ne cessa de monter dans le cours de l’avant-guerre. Elle favorisa les militantes les plus énergiques: d’où de multiples actes de violence, allant de manifestations de rues accompagnées de heurts avec la police au dépôt de bombes dans les stades, à la lacération de tableaux dans les musées, à la molestation de parlementaires. Le vote d’une loi de répression en 1908 encouragea les candidates au «martyre» de l’emprisonnement, de la grève de la faim, des poursuites pénales (les moins sévères possibles). Le déchaînement hystérique provoqué par l’échec du projet de loi de 1912 obligea le Parlement, alarmé par les grévistes de la faim, à voter en 1913 la loi «du chat et de la souris» qui permet la mise en liberté des grévistes et leur arrestation nouvelle dès leur santé rétablie. Des scissions au sein de l’Union de Emmeline Pankhurst, en 1908 d’abord avec la fondation de la Ligue pour la liberté de la femme, en 1914 ensuite lorsque Sylvia Pankhurst rompt avec sa mère, ne découragent pas les combattants d’une véritable «insurrection». La Grande Guerre, l’Union sacrée à laquelle adhèrent les féministes, déterminent, dès 1916, le Premier ministre Asquith à se rallier à une réforme. En 1918, la loi électorale, qui étend à tous les hommes de plus de vingt et un ans le droit de vote, l’accorde aux femmes à partir de trente ans; discrimination que l’on tente de justifier par la prépondérance numérique des femmes dans la population, mais qui est liée à des craintes moins avouées: Millicent Fawcett s’y résigne comme à un premier pas, estimant qu’en Angleterre, selon les termes de Disraeli, ce n’est pas la logique, mais le Parlement qui gouverne. L’éligibilité accordée trois semaines avant les élections générales de décembre 1918 permit à dix-huit candidates de se présenter et à une seule, la comtesse Markiewicz, d’être élue (ses convictions républicaines lui interdirent de siéger au prix d’un serment à la Couronne). Une première femme député, Nancy Astor, fut enfin admise à Westminster en 1919.En 1928, grâce à un consensus de tous les partis, l’égalité totale est accordée aux femmes. Celles-ci, que la guerre a introduites à bien davantage de fonctions de responsabilité et qui ont connu tous les signes extérieurs de l’émancipation, parachèvent ainsi une évolution bien plus rapidement positive que dans le cas des hommes...
Encyclopédie Universelle. 2012.